Monsieur Romain C pose à notre rédaction la question suivante:
Le 3 Décembre 2014 Nathalie Gossement, attaché fiscal de L´Ambassade France à Madrid dit sur le petit journal « En fiscalité internationale, “on est tenu par une obligation fiscale illimitée dans l’Etat où l’on réside fiscalement” résume Nathalie Gossement. “Sauf dérogations, on doit tout déclarer, indifféremment de l’origine des revenus dont on dispose, c’est la règle de base“. Cette obligation déclarative et fiscale “mondiale” est la conséquence du statut de résidence fiscale, qui, en matière de fiscalité directe, est la première notion pertinente pour déterminer la situation fiscale d’un contribuable. Issue du droit international (et intégrée dans les conventions fiscales bilatérales), elle prime sur le terme de domicile fiscal qui, lui, émane du droit interne, c’est-à-dire des normes d’un seul Etat. Quant à la nationalité, il s’agit généralement du dernier critère susceptible d’être retenu pour déterminer le régime fiscal des revenus des contribuables.» Pourriez vous m´expliquer ce qu´elle veut dire ?
La réponse de notre expert du Journal Juridique :
Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce point, dans la mesure où les CDI priment sur la réglementation interne et dès lors que la détermination de la résidence fiscale doit obéir aux règles que l’on appelle, dans le jargon juridique, les « tie break rules » ou règles de départage, pour permettre de déterminer le pays qui doit être considéré comme le pays de résidence fiscale de la personne.
La question n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air, car certaines législations permettent de fractionner l’année fiscale (Suisse, V.gr.) alors que d’autres ne le permettent pas, comme la législation espagnole, de sorte que, lorsqu’il est impossible de déterminer la résidence selon les règles de départage, ou lorsque les conditions sont réunies dans les deux pays et durant le même exercice fiscal, et qu’un des deux pays ne permet pas de fractionner l’année fiscale, il y aura lieu de recourir à la procédure amiable entre États prévue par la CDI, de sorte que la question ne peut être tranchée en quelques lignes uniquement, mais bon, ce n’est que mon avis.
Concernant le critère de rattachement personnel ou de fiscalité illimitée en question, j’ai justement publié un article en ce sens l’autre soir, sur mon blog, car il ne s’applique pas de la même manière dans tous les pays. Et dans plusieurs pays, la nationalité est effectivement un critère d’aménagement de l’obligation. Exemples : en Russie, les résidents nationaux sont soumis, en raison du critère personnel ou de l’imposition en raison des revenus et des biens au niveau mondial, mais les résidents étrangers ne déclarent qu’en raison d’obligation personnelle ou, ce qui revient au même, en raison des biens et/ou revenus possédés ou perçus exclusivement sur ce territoire.
En poursuivant cette comparaison au niveau international, nous observons que dans d’autres pays tels que la Colombie, le critère de rattachement personnel est basé sur la nationalité, de sorte que les résidents étrangers ne seront concernés par l’obligation personnelle qu’à compter de la cinquième année de résidence, alors que les résidents nationaux devront s’y plier à compter du premier jour.
Nous pouvons donc constater que la question n’est pas aussi simple que cela.
Une autre question est de savoir s’il est vrai, et c’est effectivement vrai, qu’en Espagne ou en France, le critère de rattachement est effectivement régi par la résidence, mais il n’en va pas de même dans tous les pays. En outre, on ne peut oublier le système de hiérarchie entre les législations internationales des deux pays concernés (elles se situent au même niveau) et la suprématie des CDI.
Il serait utile de rappeler le contexte des propos que j’ai tenus en décembre 2014, dans le cadre d’une présentation adressée aux membres et représentants de la communauté française en Espagne. L’exercice consiste ici à rappeler certaines notions de base aux usagers concernés par la fiscalité franco-espagnole, dans des termes simples et génériques, afin de les aider à avoir les bons réflexes pour vérifier la portée de leurs obligations fiscales et déclaratives dans l’Etat où ils vivent. Loin de moi l’idée de généraliser (encore moins de faire des hypothèses concernant les situations de résidents d’autres Etats que l’Espagne, comme le fait l’expert du journal juridique), ou de prétendre résoudre toutes les difficultés en quelques phrases. Lorsqu’un usager a besoin de faire expertiser une situation complexe (ex. changement de domicile en cours d’année), il est invité à se rapprocher des autorités fiscales compétentes ou à se faire assister d’un conseil professionnel. Les compétences du poste de l’attaché fiscal ne sont pas exhaustives en matière de renseignement des usagers, et je n’ai pas la prétention de faire de la vulgarisation au mépris des textes, de la doctrine et de la pratique en matière de fiscalité internationale, dont nous savons tous à quel point ils peuvent s’avérer d’une grande complexité.